Qui sont les « Belles Perdrix » ? Les uns pensent à cet impertinent cercle de femmes de lettres au goût prononcé pour les agapes spirituelles et culinaires. Les autres à la table de Troplong Mondot, où la vigne s’immisce dans la salle autant que la lumière. L’envie nous démange d’en découvrir davantage. En ouvrant une porte discrète sur le côté du bâtiment, on ressent le frisson du passager clandestin prêt à découvrir un secret.
Un discret coup d’œil à droite, à gauche : garde-mangers, chambres froides, tableaux de contrôle des températures et pesées… le lieu immaculé tient du laboratoire. C’est presque trop calme.
Le cheminement continue à travers un sas et dévoile soudain la brigade qui s’apprête au coup de feu. Ici, l’effervescence est réelle : on s’affaire, les rires fusent, la fumée sort des casseroles, les fouets s’agitent.
Et pourtant… Pourtant dans ce tourbillon d’énergie tout est maitrisé. La bonne humeur n’exclut pas la rigueur. Les gestes sont minutieux, les plans de travail organisés au millimètre, les assiettes dressées avec la précision d’une horloge suisse, les consignes transmises dans un chuchotement. Rien n’est laissé au hasard. « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. »
La maxime de Saint-Exupéry semble être écrite pour le Chef Charrier. Aller à l’essentiel, atteindre un idéal de simplicité, voilà son objectif.
Il faut voir la détermination dans son regard. Sa sérénité. Pas d’esbroufe, pas d’effet de mode, pas un mot plus haut que l’autre. Et la volonté d’aller au bout de ses idées, de faire confiance à son intuition, dans la prise de risque parfois, dans la justesse toujours. Avec, dans chaque assiette présentée au passe, une « vraie » cuisine. Celle qui respecte le produit. Celle qui exalte les saveurs avec la bonne cuisson et le juste assaisonnement. Celle qui émeut et éveille les sens. Celle qui simplement donne envie de revenir. Ne serait-ce pas là la plus belle des récompenses ?
C’est surement en tout cas ce qui donne au Chef Charrier le sourire en coin de celui qui a réussi son pari. Les « Belles Perdrix », c’est lui.