Lookbook | Article #2

Vin et gastronomie : l’accord parfait ?

Eric Beaumard, chef sommelier du Georges V depuis plus de 20 ans et auréolé de multiples récompenses, partage son point de vue sur les liens qui unissent vin et gastronomie, dans un entretien marqué par la passion enjouée qui le caractérise.

Mars 2023
"C’est une question d’hédonisme : le vin sublime la cuisine."

Faut-il suivre des règles d’accords mets et vins ou peut-on laisser libre cours à son instinct ?

Il n’y a pas d’impair ! L’intérêt, c’est d’essayer. Parfois cela fonctionne moins bien mais il ne faut pas être dogmatique. Le goût est très personnel, c’est de l’ordre de l’intime, cela dépend de l’éducation, des sens, du moment. On peut même beaucoup aimer quelque chose et puis s’en lasser. Ce qui est important c’est de laisser cours à une liberté de choix, ne pas être trop conservateur.
On est souvent influencé par les autres, mais même si le cadre rassure, il ne faut pas avoir peur d’aller vers des sentiers nouveaux.

Comment être sûr de ne pas se tromper ? y a-t-il des associations à bannir ?

Il n’y a pas de grosse erreur, et il ne faut surtout pas s’enfermer. Mais il y a en effet des choses qui fonctionnent mieux que d’autres. C’est une question de physiologie du goût, décrite par Brillat Savarin au début du XIXe siècle et on sait que certains accords sont périlleux, voire rédhibitoires.

Par exemple on sait que les protéines du lait ne s’accordent pas bien avec les tanins, tout comme l’aquosité d’un bouillon ou l’amertume. Mais j’insiste : il ne faut pas être dogmatique car cela dépend de la manière dont on travaille les produits. Un petit artichaut violet bien préparé pourra être magnifique avec un vin rouge, il ne faut pas se l’interdire et faire confiance au chef !

Et puis il faut aussi tenir compte de la personnalité des vins : on ne peut pas comparer la puissance d’un 2010 ou 2015, avec l’élégance d’un 2012, c’est pourquoi tous les accords ne fonctionnent pas aussi bien.

 

"Finalement dans le lien entre grands crus et gastronomie tout est lié et tout participe à créer un moment mémorable : le vin, la cuisine, le lieu, les convives, l’humeur."

Quel a été votre plus grande émotion gastronomique ?

Sans hésiter une timbale de spaghettis à la truffe de Christian Le Squer avec un Ermitage Cathelin de chez Jean-Louis Chave, un 1995. Un très grand accord.

J’ai été également transporté par une pomme de terre grandissime de Michel Guérard lors d’un diner à Vinexpo. Préparée avec du hareng fumé et du caviar et servie avec un Haut Brion blanc 2012 en magnum, c’était exceptionnel, même fulgurant ! Dans les deux cas, un plat en apparence simple, mais exécuté admirablement et avec de très grands vins.

Finalement dans le lien entre grands crus et gastronomie tout est lié et tout participe à créer un moment mémorable : le vin, la cuisine, le lieu, les convives, l’humeur. Tout cela fait partie du plaisir et de l’émotion.

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